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Immobilier à Kinshasa (Partie 2) : un coût de construction exorbitant* (Analyse d’Oasis Kodila Tedika)

14/06/2023

Pourquoi le prix de l’immobilier serait de plus en plus cher ? Le prix de l’immobilier à Kinshasa est surévalué. Les constructions augmentent à un rythme effréné. Telle est la conviction de la majorité de gens. D’abord les chiffres : le secteur de BTP est parmi le plus dynamique de la ville, avec un taux de croissance moyenne de 12,4 % entre 2006-2018. En moyenne, elle a contribué autour de 1,07 dans le Produit Intérieur Brut (PIB) – ensemble de richesse de la ville. Les chiffres sont du cadrage macroéconomique. S’agissant du prix, selon les données de Global Property Guide, l'impôt prélevé sur le revenu annuel moyen d'un appartement/propriété locatif dans le pays est basé sur un revenu locatif brut de 1 500 $/mois. À en croire les données de Numbeo, le rapport prix/revenu serait de 44,4. Le rapport prix/loyer dans le centre-ville s’élève à 12,71 contre 6,21 en dehors du centre-ville. Quant au rendement locatif brut, il est de 7,87 % dans le centre-ville contre 16,10 % hors centre-ville. Dans un Rapport de la Banque mondiale de 2018, on y lit que le marché foncier est distordu. Pour preuve, à la périphérie de Kinshasa, on y trouve « des parcelles de 20 mètres carrés à un prix de 4 000 dollars où 60 % de la population vit avec moins de 1,25 dollar par personne par jour ». Aujourd’hui, une parcelle de superficie similaire peut facilement coûter 100 000 dollars à un point médian entre l’extrême périphérie et le centre-ville, selon notre propre observation. Ce n’est donc pas pour rien que Kinshasa caracole à la tête des villes les plus chères le plus souvent dans les différents classements.

Dans la première chronique de cette série, la discussion a porté sur un des éléments des fondamentaux à la base du prix de l’immobilier. Il en est ressorti que le prix actuel auquel on fait face au quotidien à Kinshasa ne peut s’expliquer par la dynamique de l’économie ou du marché du travail de la ville. Pour cette chronique, le coût de construction est le deuxième fondamental à considérer. À ce sujet, la valeur d’un bien immobilier dépend à la fois de la terre d’assise au bâti (le foncier) et le bâti lui-même.

Pour commencer, investir dans l’immobilier exige naturellement un certain nombre de préalables. Le foncier lui-même ne semble pas être un problème principalement à Kinshasa, au-delà des considérations d’abus de position (corruption, qualité de la justice, influence politique, etc.) et d’asymétrie informationnelle. En effet, selon l’indice de contrôle de la qualité de la réglementation (0-15 – meilleure situation) fourni dans le Doing bussiness de la Banque mondiale de l’année 2020 – qui capte la qualité de la réglementation en matière de construction, le contrôle qualité avant, pendant et après la construction, les régimes de responsabilité et d’assurance, et la certification professionnelle –, la RDC a bénéficié de la note de 10 contre 8,9 en ASS et 11,6 dans les pays de l’OCDE.

Lorsqu’on considère le critère obtention d’un permis de construire dans le Doing bussiness de la Banque mondiale pour 2020 – dernière année où cet indicateur a été produit, la RDC était 144ᵉ sur 183 pays classés, avec un score de 59,5 sur 100. Il fallait, selon la même source, faire face à 13 procédures contre 15,1 en Afrique sub-saharienne (ASS) et 12,7 dans les pays de l’OCDE en moyenne, ce qui s’étalerait sur une durée de 122 jours nécessaire pour la construction d’un entrepôt. Sur ce critère, la RDC n’était pas si mauvaise si on la compare à l’ASS (145,4 jours) et à l’OCDE (152,3 jours). À considérer le nouveau baromètre national du climat des affaires (BNCA) lancé récemment, la RDC bénéficie de la note de 50 sur 100 pour le permis de construire en 2023.

En ce qui concerne le bâti lui-même, construire est très couteux en RDC, il représente 13,8 % du revenu par habitant contre 8,9 % en ASS et 1,5 % dans l’OCDE. Selon les données uniformisées de Rider Levett Bucknall sur le coût de construction en 2022, la RDC figure parmi les trios (avec l’Angola et les Seychelles) les plus couteux de toute l’Afrique, avec un coût de 1800USD/m2. Pour se rendre compte autrement de cette difficulté liée à la construction, il suffit de considérer le prix du ciment. Ce dernier est vendu très cher en RDC, faisant d’elle le deuxième le plus cher de toute l’ASS (Graphique 1). En 2015, par exemple, le prix d’un sac de ciment était 3,79 plus cher au Congo démocratique qu’en Afrique du Sud.

Graphique 1. Prix moyen d’un sac de ciment de 50kg, 2022

Source : À partir du The Global Cement Report de International Cement Review

À côté de cette contrainte, il y a lieu de rappeler que la chaîne d’approvisionnement dans le secteur de la construction connaît également des distorsions non négligeables. Ce qui se comprend aisément au regard d’une douane asphyxiante, de l’insuffisance du capital humain et des coûts de transport élevés liés à la faiblesse de la connectivité entre les villes ou entre la RDC et l’extérieur. Quelques chiffres pour les prouver. L’importation des matériels de construction est une réalité de la construction. Or, les taux des droits de douane moyen pondéré pour tous les produits s’est situé à 8,4 % en 2020 contre 5,7 % en ASS et 1,5 % en Union européenne par exemple. Aussi, l’indice de la performance logistique relative à l’efficacité du processus de dédouanement de la Banque mondiale est de 2,3 sur 5 en RDC contre une moyenne de l’Afrique sub-saharienne de 2,32 et une moyenne de 3,47 dans les pays de l’OCDE en 2022.

Au sujet de l’insuffisance du capita l’humain, de manière générale, le nombre d’apprenants dans l’enseignement et la formation technique et professionnel (EFTP) pour 100 mille habitants n’a pas trop changé au cours de ces dernières années, passant de 1012 en 2011 à 1424 en 2020 dans l’ensemble du pays selon les données de RESEN 3. Kinshasa est la deuxième province la plus fournie en termes de part de l’ETFP dans le secondaire, avec un taux de 29 %. Et donc en termes de quantité de main-d’œuvre susceptible d’aider dans la construction, ceci suppose déjà qu’elle n’est pas importante, ce qui crée une rareté. Elle baisse encore dès lors que l’on considère le taux de réussite à l’examen national de fin d’études professionnelles (ENFEP) : comparée à la moyenne nationale qui s’est situé à 71,5 %, Kinshasa-centre n’a obtenu que 52,4 %, Kinshasa-Est 69,9 % et Kinshasa-ouest 71,8 %. Au-delà, la compatibilité entre cette formation et la demande réelle dans le secteur de construction laisse à désirer, en témoignent aujourd’hui notamment les frustrations accumulées par les investisseurs immobiliers ou l’importation des Chinois, égyptiens dans ce secteur pour construire. En conséquence, le coût de la main-d’œuvre direct et indirect n’est pas marginal.

S’agissant des infrastructures de transport, World Economic Forum accorde à la RDC la note de 2,1 sur 7, alors que la Namibie affiche la meilleure performance africaine avec 5,3 sur la qualité des infrastructures routières. Concernant le réseau ferroviaire, la qualité de ces infrastructures est notée 1,9 sur 7 en 2019 contre 4 pour le Kenya, meilleure performance africaine et 6,8 pour le Japon, meilleure performance mondiale. La qualité des infrastructures de transport aérien, selon la même source, est également faible avec la note de 2,8 sur 7 en 2019. La meilleure performance africaine, l’Afrique du Sud, est à 5,5. Le Singapour a le meilleur score mondial avec 6,7.

Peut-on conclure que le coût de construction est responsable du niveau de prix actuel ? Il est certes vrai que l’on ne peut pas balayer l’argument du coût de construction aussi facilement, mais il n’en demeure pas vrai qu’il ne suffit pas pour expliquer toute la situation actuelle. Déjà, si le coût du ciment s’impose à tous les investisseurs immobiliers qui sont dans la construction, il n’en est pas forcément ainsi pour les autres composantes (par exemple, importation du capital humain ou des matériaux de construction). Naturellement, si on peut rencontrer davantage ces problèmes dans les constructions au centre-ville, il en sera différemment en dehors du centre-ville. Ce qui peut naturellement expliquer en partie le différentiel de prix entre ces deux localisations. Quoique l’on ne dispose pas du prix relatif au m2 des terrains par rapport à la Gombe de manière précise, les chiffres de Numbeo fournissent une approximation intéressante : le loyer par mois d’un appartement (1 chambre) au centre-ville équivaut en moyenne à 1.871,43 $, alors qu’en dehors du centre-ville, le loyer est divisé par 3,04. Quant au prix au mètre carré pour acheter un appartement au centre-ville, il se situe à 6.170,63 $, soit 6,6 fois plus élevé en dehors du centre-ville.

En somme, le coût de construction est un facteur explicatif important du prix de l’immobilier à Kinshasa. Mais il n’est pas le seul. A la prochaine chronique, les autres fondamentaux seront discutés. To be continued…

*Oasis KodilaTedika est un économiste et auteur récemment du livre Financement du développement en RDC : diagnostic, opportunités et perspectives.

 


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